jeudi 11 février 2010

Montre-moi ta bière et je te demanderai tes papiers...

J'aurais jamais cru que je m'appuierais un jour sur ce t*rch*n, mais il ne faut pas dire fontaine...

Pilier suisse alémanique de la presse de caniveau, le gratuit Blick am Abend, dans son édition d'aujourd'hui, se fait, une à l'appui, l'écho du ras-le-bol des pendulaires face aux contrôles d'indentité effectués dans les train par le Corps des garde-frontières suisses.

Du grand journalisme d'investigation, pour changer.

Un petit peu de contexte : Depuis l'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen le 12 décembre 2008, il n'y a plus de contrôles systématiques aux frontières, mais du coup extension du champ d'action des douanes à tout le territoire suisse. Enfin, tant que le canton concerné, souverain sur son territoire en matière de police, a une convention avec la confédération à ce sujet. C'est le cas des cantons frontaliers, mais pas forcément des cantons qui n'ont pas de frontière avec l'étranger (Fribourg est un exemple, ou du moins l'était l'été dernier quand le quotidien La Liberté y avait relevé que les contrôles douaniers sur territoire fribourgeois étaient illégaux.)
Du coup, depuis le printemps 2009, en plus des contrôleurs CFF et des gros bras de la police ferroviaire, on voit régulièrement dans les trains en Suisse des fonctionnaires des douanes, qui se livrent, par paire, à des contrôles, euh, "ciblés", on dira.
A titre de comparaison, dans une situation  analogue, la Police des airs et des frontières française demande, autant que j'aie pu le constater, les papiers de tous les voyageurs, pas juste des noirauds à teint mat et famille nombreuse. Il est vrai que les effectifs engagés y sont plus importants, de l'ordre de six douaniers par wagon au lieu des patrouilles par paires en Suisse.

La mesure est critiquée, entre autres parce que cela revient à faire effectuer des tâches de police par les douanes. Les compétences des douaniers étant plus étendues que celles de la police ferroviaire - ou des polices cantonales. En outre, là où la police ferroviaire n'est armée que d'une matraque de type tonfa, les douaniers ont leur pistolet de service à la ceinture.

Passons, et venons-en à la raison - purement bièreuse - qui m'amène à parler de cette évolution douanière :

L'article du Blick am Abend, rapporte la grogne des pendulaires face aux douaniers sur la base de deux cas de contrôles sur des citoyens suisses, qui n'avaient même pas des têtes de terroristes barbus venus de loin. Apparemment, il suffit de boire de la bière étrangère !

Et le Blick Am Abend de se faire l'écho d'un contrôle subi par un de ses rédacteurs la semaine dernière entre Zürich et Berne parce qu'il buvait de la Jever, une bière du nord de l'Allemagne. Et du contrôle subi par un autre citoyen entre Bâle et Berne parce qu'il buvait de la Kronenbourg.

Bon, la grogne, sur le fond, est liée au fait que des bons Suisses certains d'être au-dessus de tout soupçon subissent un contrôle d'identité. Si ça peut leur faire comprendre à terme que de subir un contrôle d'identité ne signifie pas obligatoirement qu'on ait quelque chose à se reprocher, c'est pas un mal.

Ceci dit - et autant qu'il soit possible de tirer des conclusions sur la base de deux cas rapportés - le fait de boire une bière non suisse dans un train suisse semblerait être suffisant à indiquer aux fonctionnaires des douanes suisses que l'on est probablement en provenance directe de l'étranger, donc de justifier un contrôle d'identité.

Le fait que tant la Jever que le Kronenbourg soient très faciles à sa procurer en Suisse ne semble pas avoir été pris en compte... ni le fait que depuis la fin des jours heureux du cartel de la bière, nombre de Suisses ont découvert qu'il y avait un monde de bières au-delà de nos frontières.

Si quelqu'un sait comment se procurer chez Cardinal de la Moussy aromatisée à la fraise chimique avec des étiquettes en arabe, ou ce genre de truc vachement suspect...
Par pur esprit citoyen, bien sûr : je suis prêt à payer de ma personne, en tant que ressortissant de ce pays, pour donner aux gardes-frontières de ma patrie la possibilité de tester leur sagacité brassicole et d'élargir leurs horizons au-delà de la Kro !

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