jeudi 20 mai 2010

Pas terrible...

... le résultat global du test d'A Bon Entendeur, émission consacrée à la consommation de la Télévision Suisse Romande.
La première diffusion remonte à mardi dernier. Ceusses qui l'ont manqué ou qui vivent hors du domaine de diffusion de la TSR (possible que TV5 la diffuse...) peuvent la visionner sur le site web de la TSR en cliquant ici.

Votre serviteur y fait son numéro, pour changer. Même que les producteurs ont spécifiquement demandé le casque colonial. Ben oui, pour la télé, faut de l'image, un truc qui accroche l'attention du spectateur, sinon, c'est perdu ! Bon, tant qu'il y a du contenu qu'on fait passer, on va pas se plaindre...

Sinon, que dire ?

- que la dégustation de 12 bières de masse est un exercice difficile vu le côté très fugace de la plupart des échantillons. Surtout quand on n'est pas particulièrement passionné par ce type de bière. Avec mon expérience accumulée comme juge de concours, je n'ai pas trop de peine à me caler sur un cadre de référence faisant abstraction du facteur "j'aime / j'aime pas" (il n'y avait pas de rubrique "évaluation personnelle" sur le formulaire utilisé), ou à exprimer des avis qui évitent cet écueil.
Mais je dois admettre que ça a des effets pervers, dans le sens où j'ai déclassé une bière que je trouve par ailleurs excellente, mais qui sortait trop de mon cadre d'évaluation "lager blonde" (non, je dirai pas laquelle... mais ça aurait pu bouleverser le haut du tableau).
Ce qui n'est pas incohérent, du moment qu'on comprend qu'il y a deux niveaux d'évaluation différents, l'un technique, voire clinique, l'autre au niveau du ressenti...

- que ces résultats sont valables pour les versions en boîte des bières, et que l'extrapoler aux versions en bouteille serait hasardeux (bouteilles vertes donc goût de mouffette, différences dans le processus de pasteurisation, etc.)

- Que les marques de distributeur comme Coop Prix Garantie, Farmer (Landi) ou Denner tiennent la route face aux grande marques...
Pourquoi payer Fr. 2.20 pour un demi-litre d'Heineken, alors que la Coop Prix Garantie, à Fr -.60 - qui sort d'ailleurs de la même brasserie - lui est supérieure ? Certes, on le savait déjà, mais la confirmation est bienvenue.

- Que la Feldschlösschen Premium, lancée à grands frais récemment, n'a pas convaincu... Bon, un échantillon défectueux, ça peut arriver. Juste qu'en pleine campagne de lancement, c'est assez fâcheux qu'un pointage indépendant au hasard tombe pile dessus...

- Que le résultat inattendu de la 1664 est, euh, intéressant. elle est passée récemment de 5,9 à 5,5%, et la reformulation a apparemment été faite avec pas mal de soin. Il n'empêche que c'est bien une formulation plus que du brassage à proprement parler, vu qu'elle contient du sirop de glucose et du caramel colorant.
Donc qu'en soi, la chose devrait inciter les consommateurs à aller voir ailleurs.

Bon à part ça, y'a pas besoin d'une Coupe de Monde de Football pour se préoccuper de pas boire n'importe quoi...

14 commentaires:

Bov a dit…

Mouais ... je me pose la question du pourquoi de ce genre d'émission. Les passionnés de bière ne vont pas s'attarder sur ce genre produit, le message ne s'adresse donc pas à eux. Quant aux autres, ceux qui boivent pour se désaltérer ou par habitude, l'écrasante majorité d'entre-eux n'en a que faire de la petite différence de goût ou de prix (même si ici la différence peut être plus importante): ils sont tout bonnement trop attachés à une marque, pour une raison ou pour une autre. C'est un peu comme comparer les hamburgers de différentes chaînes de fast-food ...
Bref, sur cette note optimiste, je ne peux pas résister à te donner mon top de cette fameuse liste (et tu me connais: chez moi, c'est au niveau du ressenti :-)): Coop Prix Garantie et même avec une certaine marge.

Laurent Mousson a dit…

T'es trop polarisé, mon Bov, faut que je te prenne sous le bras pour ma prochaine dégustation commentée avec des consommateurs et -trices de base, que tu viennes te frotter aux discussions de fond avec ces consommateurs et -trices qui ne demandent qu'à passer à autre chose, mais sont en quête de repères et pas assez accrochés pour se mettre activement en quête.

Entre les extrêmes que tu évoques, le beer geek et le blaireau qui achète une marque et n'a aucune perception du goût, il y a une marge pas négligeable de la population - incluant d'ailleurs pas mal de femmes - qui s'est jamais vraiment penchée sur la question, et achète au hasard, sans bien savoir pourquoi ni selon quel critère...

C'est cette tranche-là du public qui est la cible, clairement, et un public chez qui le "pourquoi payer trois fois le prix pour une bière inférieure ?" ou même le "plus de goût" est susceptible de porter.

L'effet de ce genre de programme n'est effectivement pas révolutionnaire, mais à la longue, à force de poser des jalons, même minimaux, dans le paysage, ça va finir par se voir...

Par contre, là où je t'accorde volontiers qu'il y a probablement un calibrage du message qui pourrait être recalibré pour plus d'efficacité, ça serait d'arrêter de lier systématiquement bière et foot, donc de faire mine de s'adresser au blaireau de base, pour justifier ces tests de bière dans ABE. ;o)

Nicolas a dit…

Pour ce qui est de ton explication sur la bière que tu as déclassée (B...), je te comprends tout à fait, mais je pense que ce n'est pas valable pour tous les dégustateurs... En effet quand il est dit qu'il y a une note de banane caractéristique de certains malts employés, ça me fait bondir!!! Et au vu de certains commentaires je comprends qu'il n'y avait pas de rubrique évaluation personnelle, car une majorité ne fait que ça (me déplaît, me plaît). Je ne veux pas cracher sur les gens, mais c'est une perte nette de crédibilité. Déjà que, comme tu le dis, la bière est tristement associée au foot...
Sinon, au delà de l'aspect "sympa" de ce test, je doute aussi un peu de son intérêt (comme pas mal de tests d'ABE d'ailleurs).
Et la bière à ce niveau-là je pense que c'est pas le goût qui fait la différence... J'ai par exemple plusieurs entendu des gens dire je vais pas acheter la Coop garantie, ça fait alcoolo... A croire qu'un pack de Heineken ça fait classe...

Laurent Mousson a dit…

@ Nicolas : L'intérêt principal de l'exercice est qu'il touche un large public, et que même si 1% creusent un peu à la suite de l'émission, c'est bon à prendre.

Effectivement nombre de personnes se raccrochent aux marques, mais par manque de repères: si personne ne leur a jamais dit que la Prix Garantie est tout à fait respectable même si elle est moins chère que l'Heineken, ils vont continuer à se raccrocher aux marques à défaut d'autre chose.

Ceci dit, rien ne t'empêche d'envoyer un message à ABE réclamant un test de bières artisanales.
J'ai déjà fait une proposition dans ce sens, la question étant comment juger des produits très divers ensemble (on est une poignée à savoir le faire en Suisse...)
Autrement y'a pas mal de marqueurs genre diacétyle, DMS, bactéries lactiques, acétaldéhyde, alcools supérieurs pour un test purement qualitatif... mais ça serait un sport dangereux, parce que certaines micro-brasseries pourraient en souffrir en cas de mauvais résultats.

Nicolas a dit…

Pour ce qui est des marqueurs, je comprends tout à fait. Par contre la banane, ça vient pas du malt utilisé! Et c'est cette abération qui m'a énervée... Il faut connaître de quoi on parle ou sinon rien dire (et je ne le dis pas pour toi of course).
Tu voudrais pas donner des cours de dégustation??? Même et surtout à ceux qui travaillent dans le domaines...

Laurent Mousson a dit…

Qu'est-ce qui te dit que je n'en donne pas déjà, des cours de dégustation ?

Nicolas a dit…

Autant pour moi...
Loin de moi l'idée de paraître arrogant...
C'est juste que je trouve souvent le fossé entre connaissance de l'existence des bières, des styles, et la description offerte assez grand...
Quand on voit la connaissance scientifique et le nombre de publications sur le sujet et la qualité moyenne des descriptions olfactives, je trouve que c'est vraiment dommage.
Sur ce domaine faudrait quand même admettre s'inspirer du vin, bien que l'approche technique ne soit pas identique. Juste distinguer les arômes primaires des secondaires et tertiaires.
Par chance la bière est plus "démocratique" que le vin et c'est un univers moins hiérarchisé (pour l'instant en tout cas), mais de là à ce que tout un chacun se proclame connaisseur (et je ne prétends pas spécialement l'être) sans rien connaître aux produits, à l'origine des flaveurs, c'est agaçant et néfaste.
Voilà pourquoi je te disais cela...

Laurent Mousson a dit…

Y'a pas de problème. ;o)

Justeemnt, s'inspirer du vin, oui, mais comem tu le relèves, l'approche technique n'est pas la même... quand j'explique la bière, à Changins, à des gens qui ont un bagage de dégustateurs de vin, je passe l'essentiel du temps à relever les différences d'approche, et à préciser les cadres de référence etles registres de goûts spécifiques de la bière.

Mais c'est clair qu'il y a, en français, un déficit d'information fiable assez gigantesque en ce qui concerne la bière dans ses différents aspects...

Bov a dit…

Pour revenir à la polarisation, je suis bien d'accord avec toi qu'entre le blanc et le noir se trouve une tranche de population dans le gris (= potentiellement prêt pour laisser tomber les bières de masse). Mais ce n'est pas l'émission d'ABE qui va les guider, car franchement passer d'Heineken à 1664, il y a plus impressionant comme changement de mode de vie :-)) Si une dégustation de bières de micros pourrait bien sûr être intéressante, je pense que l'attention des gens dont on parle pourrait être captée plus par une dégustation plus large des bières qu'on peut trouver en grande surface. Et soyons honnêtes: ce que l'on peut trouver à la Coop n'est de loin pas négligeable au niveau qualité.
Et tu as raison: arrêtons d'associer la bière au foot. Moi, j'en bois en regardant le hockey :-)

Laurent Mousson a dit…

Je crois que si on suit un tout petit peu, mais un tout tout petit peu, le message est assez clair que la 1664 a gagné par bricolage au glucose et au caramel, et qu'il y a des bières de distributeurs qui sont un meilleur choix. :o)))

Ceci dit, oui, ce qu'on trouve en supermarché genre Coop, bonnne hypothèse de travail:
Là, concrètement, une dégustation chiffrée, tu la fais comment ? Genre avec des lagers diverses, quelques weizen , trois stouts et deux-trois pale ales. Un gros vrac où il faut reconstituer le référent pour chaque bière.
Tu sais comme moi qu'on n'est pas vraiment nombreux en Suisse à pouvoir se livrer à ce genre d'exercice de manière fiable, et en plus il faudrait en plus en trouver qui soient d'accord de le faire face caméra.
Toujours exclu pour toi, je suppose ? ;o))

Bov a dit…

Si j'étais responsable d'ABE, je ferais ceci: choisir 12 à 20 bières à la Coop depuis Heineken/Feld jusqu'à Brooklyn/St Peters et les faire goûter à des volontaires (dont 50% de femmes) de la "zone grise" (= pas spécialistes, mais un peu intéressé à connaître d'autres choses, donc ouverts). Tout ceci bien sûr non pas lors d'une dégust technique, mais au contraire purement au niveau plaisir. Leurs réactions, chapeautées/expliquées/recadrées par un spécialiste (oui, c'est à toi que je pense, moi je n'ai pas de casque colonial, entre autres :-)) pourraient alors être plus parlantes et susciter plus d'intérêt chez leurs "congénères".
Tout ceci comporte toutefois un certain risque: celui de voir la majorité des testeurs ne pas réagir dans la direction espérée ...

Laurent Mousson a dit…

... par peur de l'inconnu, ou plutôt sortie de leur zone de confort, donc on se dépêche d'y retourner. Parce qu'ils ou elles ne savent pas comment interpréter les goûts et arômes perçus.
Donc mesures d'accompagnement nécessaires, clairement. Mais c'est à creuser, comme principe !

Nicolas a dit…

L'idée de Bov est excellente, si ce n'est que je ne choisirais pas les Coop, Heineken etc. qui sont le repère du consommateur lambda, mais uniquement les dites spéciales, car de ce fait les panélistes volontaires sauraient, même sans les connaître, qu'ils vont être confrontés à des produits nouveaux, et ceci sans pouvoir s'appuyer sur repères refuges.
Et pourquoi pas dans ce cas de figure parler d'une dégustation des bières "spéciales" préférées (il faut un nombre suffisant de panélistes) et non des bières les "meilleures"?
Trop souvent le résultat de ce genre de test est le décret des produits les meilleurs, tout du moins c'est ressenti ainsi.
Un test consommateur basé sur le jugement hédoniste argumenté ça pourrait être intéressant, surtout pour les amateurs...

Laurent Mousson a dit…

C'et effectivement un peu le 'blème que cette histoire de notes chiffrées servant à tirer un classement dans un domaine où il y a beaucoup de subjectivité et d'affaires de goût...

A titre de comparaison, quand la Stiftung Warentest (www.test.de), mastodonte allemand du test conso, fait des tests de bière (assez rare, quand même: le dernier remonte à 2003 pour les Weizen, un test de Weizen sans alcool étant annoncé pour le mois prochain.) il y a des vérifications qualitatives chimiques (genre absence de ntrosamines etc.) mais pas de test gustatif...