lundi 11 janvier 2010

Pas une erreur Boréale...

Les Brasseurs du Nord, pionniers de la micro-brasserie québécoise plus connus par la marque de leurs bières, Boréale, ne sont pas exactement une petite micro-brasserie, avec 70'000 hectolitres écoulés par an... du coup ils ont les moyens de faire de la publicité à la télévision, et l'exercice est assez intéressant en termes d'axes de communications spécifiques aux micros-brasseries.

Prenez ces deux spots remontant à l'automne 2008...





Certes, on y dit du mal par la bande de Labatt et Molson, les deux gros brasseurs locaux, et ça ne va du coup probablement pas convaincre les buveux fidèles des deux monstres.

Mais à mon avis ce n'est pas le but.


L'approche est un pur contre-pied. Clairement, la brasserie cherche à se profiler en général, au-delà des buveurs de bière de base. On vise un public plus large, la marge de la population qui tente de consommer intelligemment, et qui ne marche plus dans les grosses ficelles de la pub télé de papa... et ceux-là ne sont pas forcément consommateurs réguliers de bière.

Bon, déjà, le décor: du presque rien parfaitement maîtrisé, pour ramener l'attention sur le produit et ce que la dame à dire. Message : pas besoin de faire diversion.


Ensuite, c'est une femme qui présente le produit. Oui, une femme. Un être humain de sexe féminin. Pas une blonde pneumatique muette, non, une personne qui a un truc a dire, sait ce qu'elle dit, et a le charisme nécessaire pour le faire passer. On s'adresse plus au néo-cortex du téléspectateur, qu'à son reptilien... en termes publicitaire, c'est assez gonflé.
Ce faisant, on met en avant un modèle féminin qui est parfaitement à l'aise à parler de bière. Boréale auraient eu pour objectif d'aller chercher les consommatrices aussi que ça m'étonnerait pas pantoute...

Ensuite, le message est centré sur le produit, pas son emballage, pas une quelconque esbroufe technique ni un design qui rupine vachement, pas les qualités supposées que le fait de se montrer avec cette bière à la main est supposé donner au consommateur ou à la consommatrice. On parle du contenu, de la substance, pas du paraître. Là, aussi, on cause au neo-cortex, au plaisir différé, pas au reptilien et à la satisfaction immédiate des désirs.
Au passage, on enfonce dans un des spots le clou sur le problème du goût de lumière. C'est fichu de rester dans les esprits et de profiter à terme à tout le secteur des microbrasseries québécoises.

Pour accrocher, pour susciter l'intérêt, on dit un peu de mal des deux gros et de leur marketing grotesque, sur un ton de douce ironie complice, rigolard sans être agressif. Bien calibré, là aussi.


Bref, à mon humble avis un bon exemple de la manière dont une brasserie régionale peut se positionner en termes d'image vis-à-vis du grand public. Probablement pas la seule manière de le faire, mais un bon cas d'école.

PS : la publicité pour la bière et le vin arrivera finalement sur les télévisions suisses le 1er avril 2010... mais je ne pense pas qu'on aura droit à quoi que ce soit d'aussi mordant pour autant... On parie ?

2 commentaires:

Rémi a dit…

(je l'avoue tout de suite, j'ai pas le son sur ma machine ici, donc je ne sais pas vraiment ce que les pubs racontent, mais je pense avoir quand même compris l'esprit)

En fait, ces pubs sont à mon avis une bonne illustration de la différence entre une pub pour un produit et une pub pour une marque !

Si les pubs pour les grands brasseurs ne disent presque rien sur les bières, c'est parce qu'elles ne cherchent pas à vendre la bière, mais la reconnaissance de la marque. Le but, c'est que quand le consommateur moyen (sans jeux de mots, parce que ça ne marche pas ;-) ) rentre dans un bar, il demande sans hésiter "une Truc/Chouette/...", parce que c'est le nom qu'il a en tête, parce que c'est la pub qui l'a fait sourire, ou les affiches qu'il a vu juste avant d'entrer dans le bar.

À l'inverse, une micro (même régionale) n'a pas les moyens d'être présente dans tous les bars (sauf juste autour de chez elle) et ne peut pas mener une campagne de pub de "visibilité maximale". Du coup, ben elle ne peut parler que de son produit.

Enfin, tu connais évidemment ça mieux que moi, mais ce que je trouve intéressant, c'est qu'il suffit qu'une brasserie commence à être suffisamment grosse pour que sa pub, petit à petit, sorte du registre purement "technique" pour vendre sa marque. Les pubs des brasseurs régionaux en Angleterre suivent assez clairement cette logique.

J'imagine qu'un pro de la pub expliquerait que c'est un phénomène normal. Maintenant, tout ce qu'on peut espérer, c'est que, par un discours technique qui fait mal, les petits forcent les gros à prendre un peu plus en compte le goût (dans les produits, parce que dans la pub, c'est perdu d'avance et de toute façon je m'en fiche).

Syxx a dit…

Excellent et charmant! On ne fera jamais assez les louanges du pragmatisme québécois et de leurs représentantes féminines au caractère trempé dans le sirop d'érable! ;o))

Kein-et-co(e)n devrait en prendre de la graine (maltée et houblonnée, Dieu m'entende...): la vaine verdeur de leurs bouteilles n'a d'égal que la pâleur et l'insipidité de leur pistrouille!