mercredi 6 janvier 2010

Sans alcool ?

Tiens, dans cette période post-festive, si on causait un peu de bière sans alcool ?
Bien qu'elle serve à certaines brasseries de paravent publicitaire, la bière sans alcool peut être buvable, si, parfaitement.


Bon, le "sans alcool" n'est jamais absolu, pour la bière comme pour les autres boissons alcoolisées. Légalement, en Suisse, par exemple, la limite est fixée à 0,5% d'alcool par volume. La bière sans alcool n'est donc pas indiquée pour les alcooliques en sevrage ou sevrés. Par contre, en cours de grossesse, l'intérêt nutritionnel peut être là, entre autres en termes de complexe de vitamines B, qui comprend cet acide folique (vitamine B9) dont on nous rebat les oreilles en matière de prévention des malformations congénitales...

Il y a deux voies principales pour la production de bière sans alcool: soit on évite de produire de l'alcool, soit on le retire après fermentation.

On peut éviter de produire de l'alcool en partant d'un moût à faible densité - brassé de manière à obtenir principalement des dextrines non fermentescibles -  qui est ensemencé avec une  levure sélectionnée spécifiquement pour travailler dans ces conditions-là. En plus, la fermentation est souvent interrompue par filtrage / pasteurisation.


Feue la brasserie Hürlimann de Zürich avaient, en 1966, isolé une souche spécifique avec laquelle ils produisaient une bière appelée Birell, disparue en suisse suite au rachat de Hürlimann par Feldschlösschen (Carlsberg) en 1996, mais qui survit entre autres chez Radegast (SAB) en République Tchèque, Al-Ahram (Heineken) en Egypte ou Coopers en Australie.
Mais vu que le processus ne nécessite pas d'appareillage spécifique coûteux, on trouve d'autres bières sans alcool produites selon ce processus assez facilement. On reconnaît généralement les bières brassées de cette manière par le fait que la fermentation n'est généralement pas terminée et qu'elles ont un caractère de grain mouillé un peu renfermé - que d'aucuns compareraient à un crottin de cheval frais - parfosi désagréable, surtout au nez, et un goût sucré qui vire assez vite à l'écœurant.

Les grandes brasseries industrielles, travaillent en général en retirant l'alcool après fermentation pour produire leurs bières sans alcool. Là, deux processus sont possibles:

Premièrement, l'osmose inverse, un processus qui met la bière sous pression contre une membrane perméable à l'alcool, et l'alcool de la bière migre à travers la membrane.
Deuxièmement, et c'est le plus courant, la distillation sous vide : on fait le vide dans une cuve, où la bière est chauffée, et arrivé à une trentaine de degrés, l'alcool s'évapore. Et avec l'alcool, un certain nombre de composés aromatiques qu'il faudra ensuite séparer de l'alcool pour les remettre dans la bière si on veut faire les choses correctement.
Les bières désalcoolisées ont généralement un goût plus "achevé" que celles par fermentation à basse densité interrompue. Mais il leur manque l'alcool, donc elles manquent de corps et de présence en bouche. Les brasseurs tentent donc en général de corriger le tir - pas toujours avec grand succès - en partant d'une bière de base plus riche en sucres résiduels (dextrines), éventuellement brassée avec une proportion de malts un peu plus foncés, et/ou en renforçant le houblonnage aromatique.
Ce dernier point est d'ailleurs à relever en raison de l'effet sédatif du houblon qui fait que l'on peut avoir passé une soirée à boire de la bière sans alcool, avoir une alcoolémie à zéro, et ne pas raisonnablement être en état de conduire un véhicule pour autant en termes d'éveil et de rapidité de réaction. Donc prudence...

La plupart des bières sans alcool disponibles dans le commerce sont basées sur des lagers blondes, des fermentations basses. Et c'est en fait un problème quand il faut compenser l'absence de l'alcool en termes de goût, car la levure ne laisse pas de notes fruitées (esters) ou épicées qui peuvent aider à combler le vide en donnant de la présence en bouche.
On voit par contre, en Allemagne, une tendance très intéressante au développement de Weizenbiere sans alcool, basées sur des bières de froment bavaroises. Là, le blé, riche en protéines donne de l'ampleur, de l'épaisseur, et la souche de levure typique d'une Weizenbier laisse des notes de bananes et de clou de girofle.

Alors quoi ? y'a quoi de plus ou moins valable en sans alcool sur les tablettes de nos supermarchés ?

Disons que depuis le fameux test d'A Bon Entendeur en mai 2005, il y a quand même eu un progrès. j'ai goûté depuis des choses moins infâmes que ce qui était en dégustation ce jour-là. Par exemple, honnêtement, sans être un coq de concours la Feldschlösschen Alkoholfrei, qui a remplacé la Schlossgold à fin 2005, est nettement plus équilibrée et plus proche au goût d'une lager blonde alcoolisée... objectivement, on pourrait la préfèrer à la Feldschlösschen normale, vu qu'elle est moins aqueuse.
L'Eichhof Alkoholfrei, assez facile à se procurer (linéaires des Migros, entre autres), est elle aussi un produit pas exceptionnel dans l'absolu mais fondamentalement buvable et aussi équilibré qu'il est possible de le faire.


Du côté des Weizenbiere sans alcool, on trouve assez aisément de l'Erdinger Alkoholfrei (là aussi, entre autres sur les linéaires des Migros, mais aussi en magasin spécialisé en boissons) qui a fait son trou en Allemagne sur le créneau des boisons isotoniques pour les sportifs, vu qu'elle ne contient pas d'additifs, contrairement aux Isorade et autres Gatostar...
Il ne faudrait toutefois pas vouloir la comparer avec une Weizenbier alcoolisée, vu que le profil typique de banane et clou de girofle en est largement absent (pas qu'il ait jamais été tellement présent dans l'Erdinger normale...), mais son côté rond et son caractère marqué de céréales tirant sur le pain frais est fondamentalement plaisant. Et visuellement, une fois dans son verre, elle fait illusion sans problème au coin du bar...
Chez les spécialistes en bière, on pourra occasionnellement dénicher de la Paulaner et de la Weihenstephaner sans alcool, qui sont nettement plus minces en bouche, mais méritent qu'on les goûte, étant plus proches du profil habituel d'une Weizenbier.


Une relativement bonne surprise, sortie récemment, qui n'est pas - encore - disponible en Suisse, bien que la brasserie soit en Forêt-Noire, proche de Bâle est la Rothaus Hefeweizen Alkoholfrei. La brasserie d'état du Land de Bade-Wurtemberg ont sorti simultanément une Pils (Tannen Zäpfle Alkoholfrei) qui est dans la moyenne, sans plus. La Weizen, par contre, est plutôt réussie dans sa catégorie, pas trop trop mince, avec le caractère de banane et de girofle typique d'une Weizen, et pas d'alcool. Pas une bête de concours, mais plutôt bien fichue. Pour la trouver, il faut malheureusement passer le Rhin, mais elle est assez bien distribuée. Mais son étiquette est tellement proche de celui de sa soeur alcoolisée qu'on peut facilement la manquer au passage...

En l'état, c'est ce qu'on trouve de buvable pour le moment dans le sans alcool, et c'est en progrès par rapport à il y a encore 5 ans, bien qu'il y ait encore une belle marge de progression possible, pas de doute...

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