jeudi 31 décembre 2009

Bouquins de l'année - partie II : le reste

Du côté des livres-ayant-trait-à-la-bière-mais-qui-ne-sont-pas-des-guides, il y a aussi quelques parutions à relever en 2009.


Du côté des livres à laisser traîner sur la table basse, World's Best Beers : 1000 Unmissable Brews from Portland to Prague de Ben McFarland est un remplacement bienvenu pour d'autres livres du genre qui commence à dater (comme ceux de Brian Glover, par exemple), à savoir un panorama des bières du monde entier. Les bières y sont classées par pays et par brasserie. On pourra toujours discuter de la sélection de bières faite pour ce genre de livre la couverture générale est bonne, les illustrations sont plutôt belles, et il y a des articles plus détaillés sur certaines brasseries. Ces derniers sont manifestement du recyclage d'articles écrits par le passé par l'auteur pour divers journaux et magazines, et ne sont pas toujours à la pointe de l'actualité. En outre, certaines informations de contexte sur les bières elles-mêmes sont un peu approximatives, entre autres du côté des bières allemandes.
Dans la bonne moyenne, donc...


Autre ouvrage généraliste, mais qui se concentre sur le produit lui-même, les ingrédients, les méthodes de production et la dégustation est Tasting Beer de Randy Mosher. Cet ourvage est pour l'essentiel recommandable, détaillé, fiable, mais souffre d'un américanocentrisme qui l'amène à perpétuer des erreurs en ce qui concerne les bières européennes. Il y a quelques approximations sur les bières allemandes, mais du côté des bières britanniques, c'est franchement la catastrophe: l'état qu'il décrit est celui de 1995 ou 97, comme si aucune évolution n'avait eu lieu entretemps. Mosher exhume entre autres à la polémique sur le cask breather* au sein de la CAMRA, qui est éteinte depuis plus d'une décennie...
Pire, il y a une méconnaissance toute étasunienne de certaines réalités, comme celle qui l'amène à décrire la mild ale comme titrant 4,2 à 5,2% d'alcool, alors que dans sa forme de prédilection, en fût, une mild ale courante titre entre 3 et 4%, et celles qui titrent plus sont de l'ordre de l'exception !
Une excellente lecture, donc, sur le côté technique qui est pour l'essentiel irréprochable, mais à prendre impérativement avec de longues pincettes pour tout ce qui ne concerne pas le monde brassicole étasunien...

Alors quoi, il y en a un bon, quand même ?


Oui, il y en a un unanimement salué dans le milieu bièrophile anglo-saxon, et c'est largement mérité : Hops and Glory : One Man's Search for the Beer that Built the British Empire de Pete Brown, intéressant mélange de récit de voyage, et d'ouvrage historique, avec une soirée bien arrosée comme déclencheur. Pete Brown est parti de Burton-on-Trent, au centre de l'Angleterre, pour Calcutta avec un fût d'India Pale Ale dans ses bagages. Mais le voyage a été fait par bateau, pour voir dans quel état la bière serait à l'arrivée. C'est ce voyage, via le Portugal, le Brésil, et le Cap qui constitue le fil conducteur du livre. Pete Brown y intercale des chapitres très instructifs sur la colonisation britannique de l'Inde, où l'on se rend compte que la Compagnie des Indes britannique ferait passer de nos jours les plus cyniques de multinationales pour des enfants de choeur...
Vu le nombre de péripéties, de catastrophes et de désastres divers en cours de route, c'est écrit avec une solide dose d'autodérision, dans un style plaisant et vif, rendant bien les sautes d'humeur, l'alternance entre stress, panique et ennui total.
On y fait aussi la connaissance d'un personnage-clé de cette épopée: Liz, l'épouse de Pete Brown, de sa patience apparemment infinie et de ses silences qui en disent long. Dans le milieu du journalisme brassicole britannique, où les femmes sont peu nombreuses et les épouses systématiquement dans l'ombre, c'est une révolution culturelle. Il était d'ailleurs assez intéressant, à la réception de la British Guild of Beer Writers, de voir le nombre de "Ah, so you are Liz! ..." de la part de personnes ayant lu le livre, marquant le fait qu'elle n'était plus juste "l'épouse de" mais qu'elle avait trouvé sa place de plein droit dans ce cercle-là. Par la suite Liz a ouvert un blog intitulé The Beer Widow (littéralement "la veuve de bière") où elle relate avec un humour pince-sans-rire les affres de la vie quotidienne avec un journaliste brassicole.
Bref, s'il y a un livre brassicole sorti en 2009 qu'il faut lire, c'est celui-là. Mais attention! le premier tirage est épuisé chez l'éditeur, et il pourrait être difficile de se le procurer d'ici la sortie de l'édition brochée en avril prochain.

Il y en a un sorti cette année que j'attends toujours : 1909! Beer Style Guide de Ron Pattinson, un ouvrage en auto-édition qui promet une mise en perspective très intéressante de la perception actuelle de la typologie des bières, en compilant un guide des styles de bière il y a un siècle. L'auto-édition a son prix, mais dasn le cas précis, le travail de bénédiction de Ron Pattinson pourrait bien une fois de plus amener des éclairages inattendus...

Et pour 2010 ? On sait que le printemps verra la sortie du 1001 Beers You Must Taste Before You Die édité par Adrian Tierney-Jones, pour lequel il a mis à contribution des plumes bièrophiles du monde entier pour y décrire des bières qu'ils et elles connaissent  pour les avoir à proximité. J'ai eu le plaisir d'en être, couvrant les bières suisses, ainsi que quelques bières d'Allemagne du Sud et du Nord de l'Italie (Birrificio Lambrate, entre autres), donc je ne peux être objectif à ce sujet, mais le projet est prometteur de par son approche même...

Parmi les autres sorties annoncées, notons Amber Gold and Black de Martyn Cornell, un historique solide des bières britanniques et des origines de styles actuels, sorti en auto-édition électronique il y a 18 mois, et qui sera enfin édité sous forme de livre. On sait aussi que Garrett Oliver, le maître-brasseur de Brooklyn Brewery et écrivain brassicole de talent, s'est vu confier la direction d'un Oxford Companion to Beer, dans une collection qui fait référence dans le monde anglo-saxon... mais je n'ai pas trouvé de date de sortie. C'est peut-être pour fin 2010.

Bonne lecture !


* un cask breather est une soupape qui permet, dans les systèmes à pompe manuelle, de remplacer le volume de chaque pinte tirée, par un volume identique de gaz inerte, par exemple du gaz carbonique, sans qu'il y ait surpression ou que cette pression serve à pousser la bière dans les tuyaux. Le dispositif permet de prolonger la durée de vie d'un fût un fois qu'il est mis en perce, mais a été accueilli comme une abomination par certains défenseurs de la cask ale traditionnelle outre-Manche ...il y a une bonne douzaine d'années !

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