mercredi 30 septembre 2009

Mission spéciale à Bruxelles. Episode I


Silence radio sur ce blog pendant quelques jours, dûs à une descente à Bruxelles et le besoin de s'en remettre un peu...

Bruxelles, dans l'imaginaire du buveur de bière moyen, c'est l'Eldorado, l'astre solaire, le lieu de pèlerinage où tout n'est que délices dans une vallée où coulent le lait et le miel... enfin, un truc sublimé du genre.

Oui, on y boit de bonnes choses sans trop batailler, certes les bars à bières foisonnent, et leurs menus sont kilométriques... mais il vaut mieux ne pas trop gratter sous la surface...
Parce que fondamentalement, une trop grande partie du petit monde de la bière en Belgique est en roue libre, vivant principalement sur sa réputation, sans trop l'alimenter ou l'entretenir...

La majorité des bars spécialisés bruxellois servent sans discrimination les pires concoctions industrielles - aromatisées ou non - aux côtés de produits réellement artisanaux, sans bien différencier. Les bières d'étiquette au lieu de brassage et au pedigree peu clairs y sont aussi monnaie courante... Quant aux brasseries artisanales, si on y compte effectivement une partie appréciable de bières excellentes ou exceptionnelles, il y a des scories, des choses irrégulières voire franchement déficientes sur le plan technique.
Et même que c'est vrai et qu'il faut le dire : c'est pas parce que c'est une bière artisanale qu'il faut obligatoirement en dire du bien !
Les listes à 400, 800, 1'000 bières et plus impressionnent leur monde, mais elles contiennent beaucoup de ballast, de bières peu mémorables, et posent des problèmes sérieux de gestion du stock, tant pour assurer que tout ce qui est au menu soit effectivement en stock, et qu'il y ait un roulement suffisant pour éviter de servir des bières passées, dégradées par le vieillissement.

Et puis, il y a quelques endroits d'exception. Le Musée Bruxellois de la Gueuze, par exemple, à Anderlecht, plus connu sous le nom de Brasserie Cantillon. Une brasserie-musée en pleine activité, que mon ami Kuaska, éminent spécialiste de la fermentation spontanée, appelle par boutade "i talebani della gueuze" (les talibans de la gueuze).
Jean Van Roy, et avant lui son père Jean-Pierre, ont mené et mènent toujours une lutte pour maintenir la brasserie à son emplacement, avec sa flore bactérienne spécifique, et sa faune d'araignées prédatrices de drosophiles, malgré les services d'hygiène à la perspective étriquée, malgré l'urbanisme anarchique et les "réaménagements" destructeurs du quartier derrière la gare du Midi*, et malgré la force de frappe des grandes brasseries qui ont imposé une pseudo-gueuze doucereuse dans l'esprit des consommateurs.

Les lambics, gueuzes, kriek etc. de chez Cantillon sont euh, différentes... : très sèches, avec une acidité marquée, et un caractère de cave et d'écurie complexe à souhait. Pas du goût de tout le monde (je n'en boirais pas toute la soirée, je l'admets, mais ça va mieux...), mais une œuvre de salubrité publique en termes de diversité de goûts, à l'égal des petits producteurs de fromage au lait cru...
Et une capacité à innover, aussi, Jean Van Roy expérimentant régulièrement par exemple avec des cuvées spéciales houblonnées à cru.

J'étais donc à Bruxelles sur invitation d'un bar qui entretient des relations particulières avec Cantillon, mais je vous raconterai le détail la prochaine fois...

* il convient de rappeler qu'en patois bruxellois, architecte est une insulte... et il suffit de se pencher sur quelques monstruosités comme le Palais de justice - en fait, non, on ne se penche pas sur le Palais de justice, on se déboîte les cervicales à essayer de lever assez la tête... - ou l'axe Bruxelles-Nord - Bruxelles-Midi pour comprendre pourquoi...

2 commentaires:

Bov a dit…

"Et même que c'est vrai et qu'il faut le dire !" Ehehe, une remarque qui pourrait donner des Vapeurs à certains artisans :-)

Laurent Mousson a dit…

Tu crois ?

Voyons... j'ai jamais entendu personne dire des trucs aussi énormes que :

- "Si c'est une bière artisanale, tu dois en dire du bien !"

ou

- "Et même si c'était vrai, il ne faut pas le dire !"

Ou bien ?