jeudi 3 septembre 2009

Sens de l'humour et sang-froid : Carlsberg 1 - Heineken 0

Carlsberg Suisse a une notion passablement étriquée de la "diversité" : à en croire l'excellent Bov, sur un portefeuille de 31 produits, le groupe Feldschlösschen / Carlsberg Suisse propose 24 lager blondes (plus ou moins interchangeables au goût, si l'on excepte les 3 sans alcool et l'unique non-filtrée), une seule lager brune, et six boissons sucrées aromatisées à base de "bière". On n'est pas loin de la célèbre boutade d'Henri Ford à propos du modèle T, comme quoi le client avait le choix de la couleur pour sa Ford T, du moment qu'elle était noire.

Pourtant, il faut reconnaître que quand, en juin 2008, en protestation contre le monopole de Carlsberg sur les périmètres réservés du Championnat Européen de football, Unser Bier avait lancé une bière à étiquette verte intitulée "Mehr als nur Calrsbreg" (en gros "pas rien que de la Calrsbreg"), on avait au moins gardé son sang-froid du côté de Rheinfelden et la chose n'avait pas eu de suites juridiques, faisant peu de vagues.

Par contre, quand, à fin août 2009, l'association Keineken basée à Engelberg (OW), fondée en réaction à la vente d'Eichhof - dernière grande brasserie indépendante Suisse, fortement ancrée à Lucerne - en avril 2008 à Heineken, se permet de faire produire par Unser Bier une bière "Keineken" pour étoffer un peu ses finances, Heineken lâche tout de suite sa meute d'avocats et fait saisir les 1'200 bouteilles produites, arguant d'un nom trop proche de sa marque.

Là où la chose devient délicieusement paradoxale, c'est que l'argument généralement retenu pour des disputes sur des marques comme celle-ci, c'est le risque de confusion pour le consommateur. Non seulement l'étiquette beige ne laisse aucun doute, le prix - Fr. 6.93 pour 500ml - non plus, mais Keineken est un mot-valise à la signification parfaitement limpide : "kein Heineken", qui peut se traduire comme "pas d'Heineken" ou "pas une Heineken".

C'est assez piquant, on en conviendra, de parler de risque de confusion avec Heineken, alors que le nom du produit précise bien, et de manière parfaitement intelligible pour les consommateurs germanophones concernés, que ce n'est pas de l'Heineken...

En attendant, Heineken viennent probablement de commettre un splendide auto-goal, vu que même s'ils ont gain de cause devant le justice, ils auront amené une énorme publicité gratuite à Keineken, et auront marché en plein dans le piège du "David contre Goliath"- ce ne sont pas 1'200 flacons qui allaient objectivement lui faire de l'ombre ! -, légitimant de fait l'association Keineken aux yeux d'une bonne partie des consommateurs de bière de la région lucernoise.

Le géant vert hollandais ne brille, dans le cas précis, vraiment pas par son sens de l'humour, ni par son bon sens en matière de relations publiques...

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