mercredi 27 janvier 2010

Keineken devient (B)engel-Bräu

Suite de l'affaire Keineken...

Un communiqué de Conrad Engler, secrétaire de l'association Engelberger Klosterbräu (répercuté entre autres par le Tages-Anzeiger et par 20 Minuten) annonce que le 13 janvier 2010, le Tribunal d'Obwald a en première instance, donné raison à Heineken dans sa plainte contre l'association à propos du nom Keineken apposé sur leur étiquette. La question de la proportionnalité de la mesure provisionnelle de saisie reste par contre ouverte.
La saisie des 1200 bouteilles et de la centaine de verres a été levée, à condition que les bouteilles soient ré-étiquetées et que le nom soit retiré des verres (ça va faire courir les collectionneurs...)

L'association n'a pas les moyens de faire appel pour obtenir un jugement en deuxième instance, et a donc décidé de changer le nom de la bière en (B)ENGEL-BRÄU, afin de pouvoir la vendre. Ce d'autant plus que la date limite de vente sur les bouteilles est dans un mois.

Avant :


Après :



En attendant d'avoir leur propre unité de production pour la future Engelberger Klosterbräu en 2012...

Victoire sur le papier pour Heineken, donc... mais l'impact effectif, tant dans la notoriété de l'association que dans les dommages dans la région pour l'image d'Heineken, sont difficiles à chiffrer...

Concernant ces derniers la lecture des commentaires d'internautes sous l'article de 20 Minuten est assez peu encourageante, montrant qu'il y a encore assez de bons Suisses qui cultivent une sainte trouille de la colère des grands acteurs économiques.

Poisson en papillotte


Une petite recette goûtue, chaleureuse en hiver, et suffisamment légère pour l'été aussi. L'association idéale est en fait un filet de saumon avec une bière fumée comme la Schlenkerla Rauchbier de Bamberg, dont l'odeur rappelle le jambon fumé. On la trouve en Suisse dans les grandes succursalles Coop, entre autres.
Si vous en trouvez, elle apportera au saumon une délicate touche de fumée, donc cela vaut la peine d'essayer. Autrement, n'importe quel poisson à chair ferme, sole, cabillaud, etc. associé à une blanche belge, ou, mieux encore, à une Colomba, blanche corse aux herbes, fera l'affaire. On peut naturellement faire de plus grosses pièces, comme une queue de saumon, en ajustant le temps de cuisson.

Pour quatre personnes :
600 - 800 grammes de poisson gras (par ex. saumon, maquereau), en quatre morceaux
4 oignons rouges (ou deux blancs de poireau) hachés grossièrement
1 citron, en tranches fines
500 ml de bière blanche ou de bière au malt fumé
quelques brins d'aneth (ou d'estragon)
Feuille d'aluminium (ou, à défaut, papier sulfurisé et... une agrafeuse de bureau)

Couper quatre morceaux de feuille d'aluminium de 40-50 cm de long. Prendre le premier, et en chemiser une petite assiette creuse. L'aluminium doit dépasser très largement de l'assiette !
Disposer régulièrement au fond de la feuille d'aluminium le quart des oignons, poser dessus deux tranches de citron, puis le poisson. Verser le quart de la bière en faisant attention de bien imprégner le poisson, puis disposer un brin d'aneth sur celui-ci. Ne pas saler !
Ramener le surplus de la feuille d'aluminium sur le dessus, bord à bord, et le replier sur lui-même de façon à former une poche étanche (avec du papier sulfurisé, replier les bords trois fois sur eux-mêmes et agrafer). Disposer sur une grande plaque à gâteau.
Laisser mariner au moins une heure au frais.
Mettre au four préchauffé à 150° C pendant 30 minutes.
Servir brûlant dans des assiettes creuses, en faisant attention au jet de vapeur en ouvrant les papillotes. Saler et poivrer à volonté dans l'assiette. Accompagner d'épaisses tranches de pain noir (ou pain complet "maison", fait en remplaçant l'eau par de la bière brune) pour pomper le jus de cuisson, et d'une salade, par exemple des concombres avec une crème acidulée à l'aneth.
En été, on pourra très bien laisser refroidir et servir bien frais.
Quelle bière avec tout ça ? Si l'on a utilisé de la blanche dans le plat, la même peut être servie en accompagnement, ou une pilsner digne de ce nom. Si l'on a utilisé une bière fumée, il vaut mieux choisir une lager assez ronde comme la Budvar, qui ménagera le petit côté fumé du plat.

jeudi 21 janvier 2010

AB InBev : fin du conflit ?

Si l'on en croit Le Quotidien (Luxembourg), un compromis aurait été trouvé aujourd'hui jeudi entre la direction d'InBev et les syndicats belges. Sous réserve d'acceptation par les ouvriers, le blocus devrait être levé demain vendredi et donc les livraisons de bière et la production reprendre à Hoegaarden, Jupille et Louvain.
Mais il y a un certain flou sur la teneur effective du compromis négocié et ce que les syndicats ont vraiment obtenu. Par exemple, une dépêche d'une agence de presse canadienne parle toujours de 263 suppressions d'emplois...
Apparemment, la levée du blocus serait liée à une concession de la part d'AB InBev qui accepte de renégocier les suppressions d'emploi de A à Z avec les syndicats et de trouver "des solutions acceptables"... ça sent la guerre d'usure de part et d'autre... avec le danger d'une démobilisation du côté des employés, une fois le point de cristallisation symbolique du blocus retiré du paysage, si le processus tire en longueur.

En outre, bien sûr, la question du site de Diekirch au Luxembourg n'est pas encore réglée... et il n'y a pas encore eu de mouvement dans les usines allemandes du groupe, elles aussi touchées... les turbulences ne sont donc pas forcément finies

mardi 19 janvier 2010

Conflit social chez AB InBev: suite du feuilleton...

Petit suivi des événements de ces derniers jours...

- Concerant Diekirch au Luxembourg, des discussions entre InBev et le gouvernement luxembourgeois ont eu lieu le week-end dernier. Pour le moment, rien de concret, si ce n'est que le gouvernement luxembourgeois ne semblent pas vouloir reprendre eux-mêmes la brasserie, mais auraient des investisseurs privés intéressés...

- L'AFP (citée par Le Figaro, par exemple) signale qu'il y a maintenant bel et bien ruprture de stock de certains produits InBev auprès des grossistes. InBev vont-ils laisser le marché s'assècher dans l'espoir de susciter la grogne des consommateurs vouant à leurs marques une loyauté confinant à l'autisme ?

- De l'autre côté de la frontière, à Lille, l'édition locale de 20 Minutes rapporte par contre qu'on est loin de la pénurie. Info ou intox ?
Des arguments du genre "on n'a jamais été en rupture de stock en quinze ans" sont-ils vraiment pertinents ?

Bref, ça suit son cours, et m'est avis qu'InBev jouent bel et bien la montre et le pourrissement...

samedi 16 janvier 2010

AB InBev : restructuration, grève, blocus... pénurie ? Pas de pénurie !

Les dix derniers jour sont été assez mouvementés pour le plus gros producteur mondial de bière, Anheuser-Busch InBev (ou AB InBev), le géant belgo-brasilo-étasunien propriétaire, entre autres, des marques Brahma, Bud, Hoegaarden, Jupiler, Labatt, Leffe, Stella Artois...

Positionné sur un marché en baisse de manière chronique, celui de la bière de masse, le groupe a annoncé il y a dix jours des suppressions d'emplois importantes. Les remous, certes attendus, ont été plus forts que prévus en Belgique et au Luxembourg...

Jeudi 7 janvier : Annonce de la suppression de 263 places de travail dans les unités de production AB InBev en Belgique, qui en comptent 2700. La justification est la baisse des ventes de bière en Belgique.

Vendredi 8 janvier : Confirmation qu'AB InBev va sabrer 10% de ses effectifs en Europe, soit 800 postes. Et que le site de Diekirch au Luxembourg va être fermé avec la perte de 60 postes sur 93, et la production des deux marques "identitaires" luxembourgeoises, Diekirch et Mousel, transfèrée en Belgique (cf. développement le lendemain dans le Républicain Lorrain).
Le Figaro annonce qu'au site de production de Jupille, une dizaine de membres de la direction ont étés séquestrés par les ouvrier le jeudi soir.
La RTBF l'annonce aussi, annonçant que les membres de la direction ont été libérés le vendredi en milieu de journée, mais annonce surtout que la brasserie de Jupille est complètement à l'arrêt, Louvain, partiellement arrêtée, qu'un blocus par les ouvriers empêche toute sortie de bière et toute entrée de matières premières aux deux usines, qu'il y a assez de matières premières premières pour tenir 36 heures à Louvain, et que les négociations reprendront mardi.

Dimanche 10 janvier : appel à la manifestation à Diekirch le lendemain.

Lundi 11 janvier : Pas de nouvelles. Heineken fait diversion en annonçant son rachat des activités de brassage du mexicain Femsa.

Mardi 12 janvier : Le Républicain Lorrain et Le Quotidien rendent compte de 1'000 personnes présentes à la manifestation de la veille à Diekirch. Mais l'ambiance n'est pas à l'optimisme (probablement vu la longue histoire de fermetures brutales de brasseries depuis les années 60-70 par Interbrew, devenue InBev après sa fusion avec AmBev, puis AB InBev en fusionnant avec Anheuser-Busch...)
Une dépêche Belga annonce que les chaînes de grands magasins ont des stocks pour deux ou trois jours. le mot est lâché : pénurie. Comme s'il n'y avait qu'AB InBev qui produit de la bière en Belgique !!!

Jeudi 14 janvier : Nord-Eclair relativise les rumeurs de pénurie.
Mais RTL est pas du genre à faire dans la dentelle pour vendre sa salade, donc annonce que les négociations ont au point mort et un "réel risque de pénurie". Ben voyons, faisons un peu mousser l'affaire, et tant pis si le consommateur est trop blaireau pour se rendre compte qu'il y aura toujours de la bière brassée par d'autres sur les linéaires de son supermarché... On apprend cependant dans cet article que si les sites de Louvain et Jupille sont complètement bloqués depuis 3 jours (je sais pas comment ils ont fait leur compte, là...) Hoegaarden l'est aussi depuis 2 jours. Donc arrêt total en Belgique.
Du côté du Luxembourg, il est question d'une solution proposée par le gouvernement pour maintenir l'emploi à Diekirch, à savoir d'une reprise par l'Etat, probablement.

Vendredi 15 janvier : La justice belge rend une décision selon laquelle les blocages de Jupille, Louvain et Hoegaarden sont illégaux et doivent être levés. AB InBev annoncent qu'ils ont reçu l'autorisation de prendre les mesures nécessaire spour mettre fin au blocage, mais annonce préfèrer chercher une solution négociée. Ah bon ?
Oui, ben ça cachait quelque chose : dans la soirée, Theo Flissebalje, un de mes petits camarades du mouvement de consommateurs de bière néerlandais PINT me signale que, face au spectre d'un carnaval (dans quatre semaines...) sans bière (ahem...) InBev Pays-Bas a annoncé qu'ils avaient des stocks de Jupiler, et qu'ils pourraient en produire sur le site de Dommelen pour approvisionner la Belgique si nécessaire. Et voilà la carte dans la manche : AB InBev peut laisser pourrir la situation en Belgique si nécessaire

Et qu'est-ce qu'on peut tirer de tout ça ?
Ben c'est un peu beaucoup un cas d'école du comportement des multinationales de la bière !
La bière de masse est en perte de vitesse constante et chronique, et ses tonnages ne pourront jamais être compensés par des bières de spécialité en ce qui concerne les très grosses brasseries, même s'ils décidaient de s'y mettre sérieusement.
Pour sauvegarder sa valeur boursière et rassurer ses actionnaires quant à leurs dividendes, AB InBev applique la bonne vieille recette de la restructuration.
Réaction syndicale dure et déterminée en Belgique, en soi assez remarquable. Mais la bête a les reins assez solides pour encaisser les pertes et jouer le pourrissement. Peu réjouissant.
Côté Luxembourg, l'option étatique reste apparemment sur la table et la seule vraie alternative à la fermeture. Diekirch rejoindrait alors trois brasseries allemandes (Hofbräuhaus, Rothaus, Weihenstephan) et deux tchèques (Budweiser Budvar et Primator) dans les rangs des brasseries en mains publiques.

Je vais faire mon sale gauchiste de service une minute ou deux : du point de vue de l'emploi et des dommages collatéraux aux communautés locales, c'est proprement désastreux.
Mais c'est le modèle même de développement des multinationales de la bière, leur structure lourde et centrée sur une monoculture, qui les rend incapables de se maintenir autrement qu'en fermant des unités de production et en supprimant des emplois. Parce que la tendance baissière en termes de bière de masse n'est pas près de s'arrêter, et que de vendre des marques plutôt que de la bière ne fait plus recette.
Il reste juste à espérer que les plans sociaux en cours de négociation permettront aux employés licenciés de rebondir. Pour la main-d'œuvre qualifiée, c'est probable, et cela pourrait nous valoir quelques micros-brasseries de plus en Belgique dans un proche avenir, au passage. Mais pour la main-d'œuvre non qualifiée, les perspectives sont nettement plus sombres.


Radieux mois de janvier que voici...

mercredi 13 janvier 2010

Face au monstre

Dans la course au taux d'alcool le plus élevé en concentrant de la bière par congélation, Schorschbräu semblent, avec la sortie de leur Schorschbock à 40% (en fait 39.44%) avoir pris l'avantage sur BrewDog avec leur Tactical Nuclear Penguin à 32%

On était resté sur : est-ce que ces monstres-là sont buvables ?
Là, j'ai un début de réponse...

Par la grâce de l'ami Bov qui en a amené une bouteille lors de notre dernière dégustation en petit comité, j'ai pu déguster la Tactical Nuclear Penguin de BrewDog.


La bête est livrée dans une bouteille de 33cl capsulée, cachée dans un sac en papier kraft orné d'un pingouin et d'un "32%" tracés au marqueur noir. La pique en direction des autorités sanitaires et des milieux de la prévention écossais et de leur réactions disproportionnées à l'égard de Brewdog est évidente: cachez ce liquide que je ne saurais voir...

Issue d'une stout impériale passée successivement dans deux fûts de whisky, puis concentrée à plusieurs reprises dans un processus de fractionnement par congélation - jouant sur le fait que l'alcool a un point de congélation plus bas que celui de l'eau - la bière a une belle couleur acajou foncé, parfaitement limpide.
Et elle est parfaitement plate, ce qui n'est que bon sens, vu que la bouteille ne saurait être vidée en une fois. A cinq, nous en avons dégusté les deux tiers, soit dans les 4 cl par tête. On aurait juste apprécié un bouchon qui se referme plutôt qu'une simple capsule...

Dans le verre, la densité du liquide est assez évidente. Il s'écoule sur les parois du verre comme un sherry ou un porto.
Au nez, c'est énorme. Beaucoup d'alcool, et un alcool brûlant, accompagné d'un malt foncé sec, légèrement rôti et chocolaté, d'un fort fruité semblable à un brandy, et de notes de bois, de vanille, de sirop d'érable.

Au palais, c'est aussi joliment intense riche, rond, relativement épais, mais pas vraiment sucré, ni collant, sirupeux ou huileux  - la congélation précipitant les protéines - et l'alcool est très en retrait. Le goût est complexe, une base de malt grillé, avec de la vanille, du bois, un peu de brandy, et une note saline rappelant la sauce soja - note relativement courante dans les stouts fortes, surtout après quelques années en cave. Cette note saline rend l'ensemble agréablement sec, une petite touche d'acidité finissant d'équilibrer la petite douceur de fond.
Une amertume se fait sentir de manière assez surprenante sur le devant de la langue.
Ce n'est que quand on avale que l'alcool se fait vraiment sentir, dans la gorge, par une agréable chaleur, pas agressive.


Au bout du compte, c'est très buvable, presque gouleyant, plaisant, chaleureux, pas trop lourd, pas surpuissant, même si ses effets sur le cerveau quelques minutes plus tard sont parfaitement nets.
Dans une approche contemplative, le monstre glisse bien, mais s'approche nécessairement avec respect, vu l'épaisseur et l'intensité. Sans mentionner les £30 quil faut aligner sur le comptoir pour une bouteille...

Ah, et l'autre question qui tue : est-ce que c'est encore de la bière ? Oui, c'est est. Pas de doute, c'est plat, mais il n'y a pas de doute qu'il s'agit d'une boisson à base de malt, qui renferme encore des solides issus du malt.

PS : au début de la même dégustation, l'ami Pascal de Neuch' avait amené une Nanny State de BrewDog, la brune à 1,1% produite par Brewdog en réponse aux accusations délirantes d'incitation à l'abus d'alcool lancées par les milieux de la prévention écossais suite au lancement de leur Tokyo* à 18,2% l'été dernier. La Nanny State est très mince, avec un malt rôti perceptible et qui revient de manière spectaculaire en arrière-goût, et donne surtout l'impression d'un thé de houblons, avec 225 unités internationales d'amertume (IBU) sur le papier, soit environ 15 fois la dose de houblons qu'on trouve dans une lager blonde de masse. Bref, ce n'est pas équilibré, mais pas du tout, mais pour le lupulomane impénitent que je suis, c'est un délice...

lundi 11 janvier 2010

Pas une erreur Boréale...

Les Brasseurs du Nord, pionniers de la micro-brasserie québécoise plus connus par la marque de leurs bières, Boréale, ne sont pas exactement une petite micro-brasserie, avec 70'000 hectolitres écoulés par an... du coup ils ont les moyens de faire de la publicité à la télévision, et l'exercice est assez intéressant en termes d'axes de communications spécifiques aux micros-brasseries.

Prenez ces deux spots remontant à l'automne 2008...





Certes, on y dit du mal par la bande de Labatt et Molson, les deux gros brasseurs locaux, et ça ne va du coup probablement pas convaincre les buveux fidèles des deux monstres.

Mais à mon avis ce n'est pas le but.


L'approche est un pur contre-pied. Clairement, la brasserie cherche à se profiler en général, au-delà des buveurs de bière de base. On vise un public plus large, la marge de la population qui tente de consommer intelligemment, et qui ne marche plus dans les grosses ficelles de la pub télé de papa... et ceux-là ne sont pas forcément consommateurs réguliers de bière.

Bon, déjà, le décor: du presque rien parfaitement maîtrisé, pour ramener l'attention sur le produit et ce que la dame à dire. Message : pas besoin de faire diversion.


Ensuite, c'est une femme qui présente le produit. Oui, une femme. Un être humain de sexe féminin. Pas une blonde pneumatique muette, non, une personne qui a un truc a dire, sait ce qu'elle dit, et a le charisme nécessaire pour le faire passer. On s'adresse plus au néo-cortex du téléspectateur, qu'à son reptilien... en termes publicitaire, c'est assez gonflé.
Ce faisant, on met en avant un modèle féminin qui est parfaitement à l'aise à parler de bière. Boréale auraient eu pour objectif d'aller chercher les consommatrices aussi que ça m'étonnerait pas pantoute...

Ensuite, le message est centré sur le produit, pas son emballage, pas une quelconque esbroufe technique ni un design qui rupine vachement, pas les qualités supposées que le fait de se montrer avec cette bière à la main est supposé donner au consommateur ou à la consommatrice. On parle du contenu, de la substance, pas du paraître. Là, aussi, on cause au neo-cortex, au plaisir différé, pas au reptilien et à la satisfaction immédiate des désirs.
Au passage, on enfonce dans un des spots le clou sur le problème du goût de lumière. C'est fichu de rester dans les esprits et de profiter à terme à tout le secteur des microbrasseries québécoises.

Pour accrocher, pour susciter l'intérêt, on dit un peu de mal des deux gros et de leur marketing grotesque, sur un ton de douce ironie complice, rigolard sans être agressif. Bien calibré, là aussi.


Bref, à mon humble avis un bon exemple de la manière dont une brasserie régionale peut se positionner en termes d'image vis-à-vis du grand public. Probablement pas la seule manière de le faire, mais un bon cas d'école.

PS : la publicité pour la bière et le vin arrivera finalement sur les télévisions suisses le 1er avril 2010... mais je ne pense pas qu'on aura droit à quoi que ce soit d'aussi mordant pour autant... On parie ?

mercredi 6 janvier 2010

Sans alcool ?

Tiens, dans cette période post-festive, si on causait un peu de bière sans alcool ?
Bien qu'elle serve à certaines brasseries de paravent publicitaire, la bière sans alcool peut être buvable, si, parfaitement.


Bon, le "sans alcool" n'est jamais absolu, pour la bière comme pour les autres boissons alcoolisées. Légalement, en Suisse, par exemple, la limite est fixée à 0,5% d'alcool par volume. La bière sans alcool n'est donc pas indiquée pour les alcooliques en sevrage ou sevrés. Par contre, en cours de grossesse, l'intérêt nutritionnel peut être là, entre autres en termes de complexe de vitamines B, qui comprend cet acide folique (vitamine B9) dont on nous rebat les oreilles en matière de prévention des malformations congénitales...

Il y a deux voies principales pour la production de bière sans alcool: soit on évite de produire de l'alcool, soit on le retire après fermentation.

On peut éviter de produire de l'alcool en partant d'un moût à faible densité - brassé de manière à obtenir principalement des dextrines non fermentescibles -  qui est ensemencé avec une  levure sélectionnée spécifiquement pour travailler dans ces conditions-là. En plus, la fermentation est souvent interrompue par filtrage / pasteurisation.


Feue la brasserie Hürlimann de Zürich avaient, en 1966, isolé une souche spécifique avec laquelle ils produisaient une bière appelée Birell, disparue en suisse suite au rachat de Hürlimann par Feldschlösschen (Carlsberg) en 1996, mais qui survit entre autres chez Radegast (SAB) en République Tchèque, Al-Ahram (Heineken) en Egypte ou Coopers en Australie.
Mais vu que le processus ne nécessite pas d'appareillage spécifique coûteux, on trouve d'autres bières sans alcool produites selon ce processus assez facilement. On reconnaît généralement les bières brassées de cette manière par le fait que la fermentation n'est généralement pas terminée et qu'elles ont un caractère de grain mouillé un peu renfermé - que d'aucuns compareraient à un crottin de cheval frais - parfosi désagréable, surtout au nez, et un goût sucré qui vire assez vite à l'écœurant.

Les grandes brasseries industrielles, travaillent en général en retirant l'alcool après fermentation pour produire leurs bières sans alcool. Là, deux processus sont possibles:

Premièrement, l'osmose inverse, un processus qui met la bière sous pression contre une membrane perméable à l'alcool, et l'alcool de la bière migre à travers la membrane.
Deuxièmement, et c'est le plus courant, la distillation sous vide : on fait le vide dans une cuve, où la bière est chauffée, et arrivé à une trentaine de degrés, l'alcool s'évapore. Et avec l'alcool, un certain nombre de composés aromatiques qu'il faudra ensuite séparer de l'alcool pour les remettre dans la bière si on veut faire les choses correctement.
Les bières désalcoolisées ont généralement un goût plus "achevé" que celles par fermentation à basse densité interrompue. Mais il leur manque l'alcool, donc elles manquent de corps et de présence en bouche. Les brasseurs tentent donc en général de corriger le tir - pas toujours avec grand succès - en partant d'une bière de base plus riche en sucres résiduels (dextrines), éventuellement brassée avec une proportion de malts un peu plus foncés, et/ou en renforçant le houblonnage aromatique.
Ce dernier point est d'ailleurs à relever en raison de l'effet sédatif du houblon qui fait que l'on peut avoir passé une soirée à boire de la bière sans alcool, avoir une alcoolémie à zéro, et ne pas raisonnablement être en état de conduire un véhicule pour autant en termes d'éveil et de rapidité de réaction. Donc prudence...

La plupart des bières sans alcool disponibles dans le commerce sont basées sur des lagers blondes, des fermentations basses. Et c'est en fait un problème quand il faut compenser l'absence de l'alcool en termes de goût, car la levure ne laisse pas de notes fruitées (esters) ou épicées qui peuvent aider à combler le vide en donnant de la présence en bouche.
On voit par contre, en Allemagne, une tendance très intéressante au développement de Weizenbiere sans alcool, basées sur des bières de froment bavaroises. Là, le blé, riche en protéines donne de l'ampleur, de l'épaisseur, et la souche de levure typique d'une Weizenbier laisse des notes de bananes et de clou de girofle.

Alors quoi ? y'a quoi de plus ou moins valable en sans alcool sur les tablettes de nos supermarchés ?

Disons que depuis le fameux test d'A Bon Entendeur en mai 2005, il y a quand même eu un progrès. j'ai goûté depuis des choses moins infâmes que ce qui était en dégustation ce jour-là. Par exemple, honnêtement, sans être un coq de concours la Feldschlösschen Alkoholfrei, qui a remplacé la Schlossgold à fin 2005, est nettement plus équilibrée et plus proche au goût d'une lager blonde alcoolisée... objectivement, on pourrait la préfèrer à la Feldschlösschen normale, vu qu'elle est moins aqueuse.
L'Eichhof Alkoholfrei, assez facile à se procurer (linéaires des Migros, entre autres), est elle aussi un produit pas exceptionnel dans l'absolu mais fondamentalement buvable et aussi équilibré qu'il est possible de le faire.


Du côté des Weizenbiere sans alcool, on trouve assez aisément de l'Erdinger Alkoholfrei (là aussi, entre autres sur les linéaires des Migros, mais aussi en magasin spécialisé en boissons) qui a fait son trou en Allemagne sur le créneau des boisons isotoniques pour les sportifs, vu qu'elle ne contient pas d'additifs, contrairement aux Isorade et autres Gatostar...
Il ne faudrait toutefois pas vouloir la comparer avec une Weizenbier alcoolisée, vu que le profil typique de banane et clou de girofle en est largement absent (pas qu'il ait jamais été tellement présent dans l'Erdinger normale...), mais son côté rond et son caractère marqué de céréales tirant sur le pain frais est fondamentalement plaisant. Et visuellement, une fois dans son verre, elle fait illusion sans problème au coin du bar...
Chez les spécialistes en bière, on pourra occasionnellement dénicher de la Paulaner et de la Weihenstephaner sans alcool, qui sont nettement plus minces en bouche, mais méritent qu'on les goûte, étant plus proches du profil habituel d'une Weizenbier.


Une relativement bonne surprise, sortie récemment, qui n'est pas - encore - disponible en Suisse, bien que la brasserie soit en Forêt-Noire, proche de Bâle est la Rothaus Hefeweizen Alkoholfrei. La brasserie d'état du Land de Bade-Wurtemberg ont sorti simultanément une Pils (Tannen Zäpfle Alkoholfrei) qui est dans la moyenne, sans plus. La Weizen, par contre, est plutôt réussie dans sa catégorie, pas trop trop mince, avec le caractère de banane et de girofle typique d'une Weizen, et pas d'alcool. Pas une bête de concours, mais plutôt bien fichue. Pour la trouver, il faut malheureusement passer le Rhin, mais elle est assez bien distribuée. Mais son étiquette est tellement proche de celui de sa soeur alcoolisée qu'on peut facilement la manquer au passage...

En l'état, c'est ce qu'on trouve de buvable pour le moment dans le sans alcool, et c'est en progrès par rapport à il y a encore 5 ans, bien qu'il y ait encore une belle marge de progression possible, pas de doute...